Comment accompagner les salariés et employeurs en amont du déploiement d’une IA?
1. Être intégré très tôt dans la réflexion stratégique
La première responsabilité du médecin du travail est d’obtenir une place autour de la table dès la phase de conception du projet IA. Trop souvent, les outils technologiques sont introduits pour des motifs économiques ou organisationnels, puis la santé est considérée « après ».
Or, l’article L.4622-2 du Code du travail rappelle que la mission du médecin du travail est de « prévenir toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». Cela inclut la prévention des risques émergents, comme ceux liés à l’automatisation ou à l’IA.
Concrètement, cela signifie :
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être associé aux comités de pilotage des projets numériques ;
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poser des questions de santé dès la phase de choix des outils (« Quel impact sur la charge mentale ? Sur l’autonomie ? Sur la communication ?») ;
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et rappeler qu’un outil, aussi performant soit-il, doit être évalué aussi selon ses effets psychosociaux et cognitifs, pas seulement techniques.
 
2. Conduire une analyse d’impact
Avant tout déploiement, le médecin du travail peut proposer à l’employeur une évaluation prospective des effets attendus de l’IA sur le travail réel.
Cette analyse d’impact peut inclure plusieurs volets:
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cartographie des tâches: identifier quelles activités seront modifiées, déléguées ou supprimées ;
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analyse des interactions humain-machine: quelles marges de manœuvre resteront ? quelles compétences seront sollicitées ou perdues? ;
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anticipation des effets organisationnels: nouvelles formes de contrôle, modification des rapports hiérarchiques, évolutions du sens du travail.
 
Ce travail vise à éclairer la direction, le CSE et les représentants du personnel sur les points de vigilance avant la mise en œuvre.
3. Promouvoir la formation et l’acculturation à l’IA
Une grande partie des risques psychosociaux liés à l’IA peut provenir d'un manque d'information et du sentiment de perte de contrôle.
Le médecin du travail peut donc recommander, par exemple, des sessions de sensibilisation adaptées aux différents publics :
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pour les salariés: formation sur le fonctionnement de l’outil, ses limites, ses biais, son degré d’autonomie ;
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pour les managers: formation sur la gestion de la charge mentale, la redistribution des rôles et la prévention des sursollicitations ;
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pour la direction : formation sur les enjeux éthiques, juridiques et psychosociaux des systèmes IA.
 
L’objectif est de transformer la peur ou la méfiance en compétence et compréhension.
4. Anticiper les conflits
Avant le déploiement d’un outil, il est fondamental de questionner la compatibilité entre la technologie et les valeurs du métier.
Le médecin du travail peut proposer des groupes de discussion, où les salariés peuvent exprimer ce qu’ils attendent ou redoutent de l’IA.
Ces temps d’échange sont précieux pour identifier les zones de tension possibles: sentiment d’injustice, impression d’être remplacé, périmètre de responsabilité, crainte d’une déshumanisation du service rendu, etc.
S’assurer que l’ia devienne réellement capacitante en valorisation des compétences humaines que la machine ne remplace pas:
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Créativité,
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Empathie,
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Prise de décision
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Pensée critique,
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Relations interpersonnelles...
 
Ces éléments, recueillis avant le déploiement, permettent à l’employeur d’adapter le projet et d’éviter des crises ultérieures.
5. Conseiller sur la conception ergonomique et la transparence
Le médecin du travail, en lien avec l’ergonome, peut aussi intervenir sur les aspects d’ergonomie cognitive: clarté de l’interface, charge attentionnelle, lisibilité des alertes, rythme des notifications.
Une IA opaque, non expliquée, peut être génératrice de stress et d’insécurité cognitive.
Le médecin peut recommander que les interfaces offrent une explicabilité minimale, une possibilité de retour en arrière...
Ce sont des éléments simples, mais déterminants pour préserver la santé mentale et éviter la surcharge cognitive.
6. Accompagner la direction dans la communication du changement
Enfin, la prévention passe par une communication honnête et anticipée.
Le médecin du travail peut aider la direction à construire un discours clair:
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Expliquer pourquoi l’IA est introduite,
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Ce qu’elle changera ou non,
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Et comment les salariés seront accompagnés.
 
Le médecin du travail peut aussi recommander la mise en place d’un comité de suivi du déploiement, où les effets psychosociaux sont régulièrement évalués et ajustés.